Le pape François a signé, ce samedi 3 octobre, la troisième encyclique de son pontificat. Intitulée « Fratelli Tutti », elle est une longue exhortation à la fraternité humaine. Mais le Souverain pontife y lance ou renouvelle également sept appels plus concrets.
C’est à Assise, ville de Saint François, que le pape argentin a signé sa troisième encyclique, après Lumen Fidei en 2013 et Laudato si’ en 2015. Notons qu’il s’agit de la première encyclique de l’histoire récente de la papauté signée en dehors de Rome. Mais ce choix n’est un hasard. Selon le franciscain Pietro Messa, doyen de l’Ecole supérieure des études médiévales et franciscaines de l’Université pontificale Antonianum et spécialiste du Poverello d’Assise, le souverain pontife a choisi de puiser dans les écrits de Saint François pour la baptiser. Fratelli Tutti (Tous frères) s’inscrit donc dans le sillage de Laudato si’.
Le cœur du message franciscain
Pour délivrer ce message de fraternité au monde, relève-t-il encore, c’est à Assise, sur la tombe du saint de l’Ombrie, que s’est rendu le pape argentin. Un tel lieu fait référence à « l’esprit d’Assise » et donc à la rencontre interreligieuse organisée par le pape saint Jean Paul II, en 1986, selon Pietro Messa. La date choisie par l’évêque de Rome pour la signer – le 3 octobre – n’est pas non plus anodine. « Le 3 octobre est le jour où saint François est mort en 1226. C’était aussi un samedi. De plus, le samedi après-midi, nous sommes liturgiquement déjà entrés dans la fête du dimanche, le 4 octobre, solennité de saint François », relève le franciscain.
Le texte de la troisième encyclique de Jorge Bergoglio a été rendu public ce dimanche 4 octobre, en la fête de Saint-François donc. Avec cette nouvelle encyclique, le pape délivre « le cœur du message franciscain au monde », s’est réjoui le directeur de la salle de presse d’Assise, le Père Enzo Fortunato. Après avoir mis ses pas dans ceux du saint ombrien pour écrire sa seconde encyclique sur l’écologie intégrale, Laudato si’, le pontife argentin signe ici un nouveau texte aux racines franciscaines, en se mettant à l’école de cette fraternité incarnée par le Poverello.
Les sept grands appels du pape François
Que dit cette encyclique? Sans avoir encore eu le temps de l’analyser en profondeur (ce que fera l’hebdomadaire Dimanche dans son numéro 37 daté du 18 octobre 2020), les spécialistes du Vatican y décèlent sept grands appels. Le pape rappelle d’abord pour une réforme de l’Organisation des Nations Unies (ONU). Pour lui, il faut travailler à l’élaboration d’une structure qui éviterait d’une part que l’autorité « ne soit cooptée par quelques pays » et qui, d’autre part, serait en capacité « d’empêcher des impositions culturelles ou la violation des libertés fondamentales des nations les plus faibles à cause de différences idéologiques »(cfr. chapitre 5). Le souverain pontife note toutefois qu’il faut à « éviter que cette Organisation soit délégitimée, parce que ses problèmes ou ses insuffisances peuvent être affrontés ou résolus dans la concertation ».
Deuxième point fort: le pape plaide pour l’interdiction universelle de la peine de mort, qui dit être « inadmissible » (cfr. Chapitre 7). Ce rejet total est pour lui une manière de reconnaître « l’inaliénable dignité de tout être humain ».
L’accueil des migrants constitue le troisième appel: « L’Europe […] a les instruments pour défendre la centralité de la personne humaine et pour trouver le juste équilibre entre le double devoir moral de protéger les droits de ses propres citoyens, et celui de garantir l’assistance et l’accueil des migrants », explique le pape François au premier chapitre de Fratelli Tutti, avant de consacrer un chapitre entier, le quatrième, à la question migratoire. Fustigeant ceux qui considèrent et traitent les migrants comme des personnes ayant « moins de valeur, moins d’importance, dotées de moins d’humanité », François juge « inacceptable que les chrétiens partagent cette mentalité et ces attitudes, faisant parfois prévaloir certaines préférences politiques sur les convictions profondes de leur foi ».
Le pape plaide aussi pour la fin de toutes formes d’esclavage. « Aujourd’hui, encore des millions de personnes – enfants, hommes et femmes de tout âge – sont privées de liberté et contraintes à vivre dans des conditions assimilables à celles de l’esclavage », s’indigne-t-il au début de l’encyclique. Il demande donc de s’attaquer à la racine du problème qu’il définit comme « cette conception de la personne humaine qui admet la possibilité de la traiter comme un objet ».
Au chapitre 7, François réaffirme sa volonté de voir abolir totalement les armes nucléaires. Pour lui, « cela devient à la foi un défi et un impératif moral et humanitaire ». Il l’assure : « la paix et la stabilité internationales ne peuvent être fondées sur un faux sentiment de sécurité », « sur la menace d’une destruction réciproque ou d’un anéantissement total ». Pour le pontife, les fonds destinés aux armes nucléaires pourraient contribuer à « éradiquer une bonne fois pour toutes la faim » et aider au « développement des pays les plus pauvres ».
Dans les dernières pages de l’encyclique, le pape François appelle à des religions non-violentes. « Un cheminement de paix est possible entre les religions », écrit le successeur de l’apôtre Pierre qui rappelle la vocation de tous les croyants : « l’adoration de Dieu et l’amour du prochain, de manière à ce que certains aspects de nos doctrines, hors de leur contexte, ne finissent pas par alimenter des formes de mépris, de haine, de xénophobie, de négation de l’autre ».
Enfin le chef de l’Eglise catholique appelle à l’unité de l’Eglise. « Nous reconnaissons avec tristesse que la contribution prophétique et spirituelle de l’unité entre tous les chrétiens manque encore au processus de globalisation », se désole le pape François au chapitre huit de l’encyclique.
Dans la dynamique de son pontificat
Cyprien Viet, journaliste à Vatican News, rappelle qu’en devenant le premier évêque de Rome à prendre le nom de François d’Assise, en 2013, « le pape avait en effet immédiatement tracé la ligne d’un pontificat orienté vers le respect de la Création et la défense de la fraternité avec tous les êtres humains, au-delà des appartenances nationales, confessionnelles et culturelles ». Cette visite à Assise est donc significative pour comprendre la dynamique du pontificat actuel. « Sa précédente encyclique Laudato Si’, dédiée au respect de la Maison commune et publiée en 2015, tout comme la Déclaration sur la Fraternité humaine signée en 2019 à Abou Dhabi avec le Grand-Imam d’Al-Azhar, portent la marque d’un pontificat de style franciscain, bien que François soit avant tout jésuite », écrit Cyprien Viet.
Rappelons que l’actuel souverain pontife s’était déjà rendu trois fois à Assise, notamment le 20 septembre 2016 pour une rencontre interreligieuse qui s’était située dans la filiation de celle organisée par saint Jean-Paul II trente ans plus tôt.
On peut donc affirmer qu’avec cette encyclique, au moment où le monde est en crise profonde à bien des niveaux, le pape veut rappeler l’importance et l’urgence de la fraternité. Pour lui, c’est le seul moyen de neutraliser les conflits et les actions destructrices afin de construire un avenir de paix.
J.J.D. (avec Vatican News, I. Media et Cath.ch)
© Photos: Vatican Medias – Osservatore Romano
© Texte: Evêché de Liège
Lire l’encyclique « Fratelli Tutti » du Pape François
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